Alors que la plupart des plantes se nourrissent
principalement de lumière, de gaz carbonique et des minéraux du sol, d’autres
ont opté pour un régime carnivore! C’est le cas de Dionaea muscipula, la
dionée attrape-mouche qui comme son nom l’indique se nourrit de petits
insectes. Par un processus encore inconnu, les feuilles de la dionée se sont
transformées au cours de l’évolution en un piège redoutable: une mâchoire
géante capable de sentir la présence d’un corps étranger et de se refermer pour
l’emprisonner.
On trouve sur les faces internes du piège, deux structures
essentielles: des glandes qui produisent un fluide capable de digérer les
proies, en quelque sorte la salive de la dionée, et des poils qui servent à
compter!
Des chercheurs viennent de mettre en évidence une partie
de la cascade de signaux qui fait suite à l’arrivée d’un insecte dans le piège.
A chaque fois qu’un poil est touché (un stimulus en langage scientifique), une
tout petite décharge électrique est produite. Le nombre de stimuli
(pluriel de stimulus… et oui, les scientifiques aiment le latin) est ainsi
comptabilisé par la plante et détermine la nature de l’action à entreprendre.
Aussi simple et efficace qu’un message en morse!
Alors qu’un seul stimulus n’est pas suffisant pour
entraîner la fermeture du piège, celui-ci va être mis en mémoire. Si un second
stimulus arrive dans les 30 secondes qui suivent, du jasmonate est produit par la plante et le piège se ferme! Pour mettre en évidence
le rôle de cette molécule, les chercheurs ont d’abord pulvérisé du jasmonate
sur des pièges ouverts. Ceci entraine leur fermeture, même en l’absence de
stimulus des poils. En parallèle, un inhibiteur du jasmonate nommé
coronatine-O-methyloxime (les scientifiques sont aussi très bons au scrabble…)
a été appliqué sur d’autres plantes, il permet de bloquer l’effet du jasmonate.
Même après plus de 60 stimuli, aucun mouvement n’a été détecté sur les pièges
traités. Ces deux expériences démontrent que le jasmonate est nécessaire au
processus de fermeture mais également suffisant pour activer le piège!
Mais l’histoire ne s’arrête pas au second stimulus! Une
fois l’insecte capturé, il va se débattre et continuer à toucher les poils du
piège. Au troisième stimulus, le processus fatal se poursuit. Un pic de
calcium va être produit, et comme le jasmonate, ce signal va informer le reste
de la plante qu’un insecte a été capturé. Il ne faudra pas plus de cinq stimuli
pour que les glandes entrent en action et produisent leur salive digestive.
Entre cinq et soixante stimuli seront nécessaires pour que la plante activent
des canaux à sodium: des tuyaux microscopiques qui serviront à exporter la
nourriture depuis la surface vers l'intérieur du piège.
Alors que la dionée est capable de se mouvoir en quelques
secondes pour attraper un insecte, ce qui est exceptionnel dans le monde
végétal, il faudra tout de même plusieurs jours pour que celui-ci soit
entièrement digéré et que le piège ne s’ouvre de nouveau.
Source : Böhm et al., 2016 (Current Biology)