Des étamines à soufflet... ou comment se faire repoudrer le bec par une plante!

Cette première note nous emmène en Amérique du Sud à la rencontre d'une plante à fleurs nommée Axinaea de son doux nom latin (bien prononcé, ça ressemble à un gros éternuement). Comme vous l'avez probablement constaté la plupart des plantes qui nous entourent fleurissent à un certain moment de l'année. Les fleurs, surtout celles qui sont colorées, produisent du nectar: un liquide sucré servant à attirer les animaux, le plus souvent des insectes. En venant dans la fleur se gaver de nectar, l'insecte va se frotter contre les étamines et ramasser du pollen... mais n'y voyez là aucun comportement douteux car il ne s'en rend même pas compte. Toujours plus affamé, l'insecte va poursuivre son voyage et se balader de fleur en fleur, transportant ainsi le pollen au bénéfice de la plante. C'est par ce stratagème appelé "pollinisation" et qui a fait ses preuves depuis plus de 150 millions d'années que la plupart des plantes utilisent les insectes pour assurer leur reproduction.

Il arrive parfois que les fleurs ne soient pas pollinisées par des insectes mais par d'autres animaux comme des oiseaux... Et c'est le cas d'Axinaea! (A vos souhaits!) Jusque là rien d'exceptionnel me direz-vous, sauf que pour l'occasion cette plante a développé un système de pollinisation extrêmement astucieux et jamais décrit avant.




Habituellement, le nectar est produit dans des petits sacs spécialisés, localisés au coeur de la fleur mais, chez Axinaea, l'étamine remplace le nectar et c'est elle-même qui attire l'oiseau. Elle possède un gros sac, gorgé de sucre, que l'oiseau va venir picorer comme un fruit. Mais ce n'est pas tout! Ce sac est rempli d'air et est connecté à un tube qui contient le pollen, l'ensemble formant une sorte de soufflet (comme pour attiser le feu des cheminées). En venant pincer l'étamine avec son bec, l'oiseau va compresser le sac et expulser le pollen... sur sa propre tête! Se faisant ainsi repoudrer le bec à chaque étamine qu'il mange... et ici encore assurant la perpétuation de l'espèce végétale à son insu.




Source: Dellinger et al. (Current Biology, vol. 24, 2014)