L'histoire d'une plante qui se prenait pour un caméléon...

Commençons cette deuxième note par une petite expérience... Prenez un caméléon, posez le sur une branche d'arbre et attendez quelques instants. Celui-ci va à coup sûr rapidement changer de couleur et prendre celle de son support. Si les feuilles sont vertes, il prendra une couleur verte. Si les feuilles sont marron, il optera pour une couleur marron. Si les feuilles sont bleues... il risque de s'énerver car, il faut le savoir, le caméléon déteste être pris pour un Schtroumpf!

Cette capacité à se confondre avec son environnement est appelée mimétisme et sert le plus souvent à éviter les prédateurs, et donc de se faire manger. On en connaît de nombreux cas chez les animaux, et notamment chez les insectes avec comme fabuleux exemples les phasmes ou les mantes...
Deuxième expérience... Prenez une graine de la liane Boquila trifoliolata originaire d'Amérique du Sud, faites la germer à proximité d'une autre plante et attendez... Comme toutes les lianes, Boquila va se développer sur une plante voisine qui lui servira de support et l'aidera ainsi à pousser vers la lumière. Contrairement aux autres lianes, la particularité de Boquila est sa tendance à se prendre pour un caméléon... Boquila peut modifier la forme de ses feuilles en fonction de la plante sur laquelle elle pousse! Si son support a des petites feuilles rondes, elle aura alors des petites feuilles rondes. Si son support a des feuilles allongées, elle aura aussi des feuilles allongées. Bref, vous avez saisi!

C'est un exemple quasi unique chez les végétaux et très étonnant car cela demande à Boquila de "voir", ou pour le moins percevoir, les feuilles de la plante support. A quoi ça sert? Il semblerait que les Boquila qui utilisent le mimétisme soient moins attaquées par les mangeurs de feuilles (insectes, etc...) que celles qui gardent leur forme originale et poussent sur le sol. Comment ça fonctionne? Pour le moment on ne sait pas vraiment mais des composés volatils, c'est à dire transmis dans l'air, pourraient servir de messager entre Boquila et la plante mimée. En effet, on a observé qu'un contact direct n'était pas nécessaire pour que la transformation se fasse...

Le cas de Boquila est totalement fascinant et révèle une des nombreuses ressources cachées pour communiquer de ces êtres sans parole, les plantes.


Source: Gianoli et al. (Current Biology, vol. 24, 2014)